Les parties et le Self

L’Internal Family Systems (IFS) est un modèle thérapeutique développé depuis une quarantaine d’années par Richard Schwartz, un psychothérapeute systémicien américain. 

Une idée centrale en Internal Family Systems est que nous ne sommes pas constitué·e·s d’un psychisme mono-bloc, mais de nombreuses parties qui interagissent entre elles (ou se sentent isolées) et qui constituent notre système familial intérieur.

Le chef d’orchestre de ce petit monde est notre Soi (notre Moi profond aussi nommé Self), souvent voilé par nos parts, mais toujours présent et ayant un grand pouvoir de guérison pour nos parts. Le Self n’est donc pas une part, mais peut être défini comme notre essence fondamentale, qui ne peut être ni blessée, ni traumatisée.

Si le travail avec les parts est commun à de nombreuses approches thérapeutiques, Richard Schwartz avance que sa plus grande découverte est cet apport du Self au sein de la méthode. Et je plussoie 🙂 De mon point de vue, la grande richesse de l’IFS se situe à ce niveau : la connexion au Self !

l’IFS est « la méthode de traitement
que tous les cliniciens devraient connaître
pour traiter efficacement leurs clients » 


Docteur Bessel van der Kolk, psychiatre américain, éminent spécialiste du psychotrauma

A l’origine étaient la souffrance de parts sensibles et leurs gardiens protecteurs

Les parts exilées

En tant que petit·e humain·e, nous sommes confronté·e·s très tôt à différentes expériences pouvant se révéler traumatiques. Aux premiers temps de la vie, nous vivons la sortie d’un ventre maternel chaud et contenant et nous traversons les circonstances d’une naissance rarement douce pour le nouveau-né. Le lien à une matrice nourricière est rompu et vient alimenter le vécu d’un petit moi, séparé d’un environnement sécurisant et enveloppant… 

Dans la suite de la vie, nous pouvons également être blessé·e·s lors de circonstances difficiles multiples (traumas relationnels, traumas de négligence, inceste, violences, harcèlement, deuil, acident, …)

Dans notre système intérieur se trouvent ainsi des petites parties sensibles blessées et bloquées dans le passé, au moment du trauma. Pour ne plus souffrir, notre système intérieur a refoulé, exilé, dès notre plus jeune âge et au fil du temps, ces parties blessées qui se retrouvent souvent seules, désespérées et dans le besoin.

Les parts protectrices, les managers et les pompiers

Concomitamment, nous avons également mis en place des habitudes protectrices, des façons de fonctionner auxquelles nous sommes souvent amalgamé·e·s : nous pensons que nous fonctionnons comme cela, que cela fait partie de nous, ou de notre personnalité, sans prendre le temps de questionner avec curiosité et d’écouter les raisons d’être de ces fonctionnements. 

Ces habitudes sont appelées les parts protectrices. Parmi elles, Richard Schwartz distingue les managers, qui, lorsqu’ils sont dérégulés, critiquent, contrôlent, dirigent, avec beaucoup d’exigences, nos existences… et les pompiers, qui réagissent impulsivement en éteignant le feu de la souffrance activée ou pour compenser la sévérité des managers. Les pompiers peuvent nous pousser, s’ils sont dérégulés, à des actions qui mettent en danger notre santé en nous coupant, nous anesthésiant.

Mais il est primordial de se rendre compte que toutes ces parties protectrices ont une intention positive : elles veulent avant tout que nous ne souffrions pas, et donc, elles veillent à ce que les parts sensibles exilées, qui ont tant souffert dans le passé, ne soient pas activées ! Les parts protectrices ne se rendent pas compte que leurs manières de faire, aujourd’hui, nous éloignent d’une vie paisible et heureuse. Les ramener dans le rôle régulé d’une attention soutenante et saine (pour les managers) et de détente (pour les pompiers), fera partie intégrante du travail thérapeutique en IFS.

Nos parts protectrices sont des élans d’amour dérégulés

C’est donc un élan d’amour envers nous-même que d’avoir mis tant d’énergie à notre propre survie… Mais au fur et à mesure, notre système intérieur protecteur s’est sur-développé, s’est dérégulé, et tourne en roue libre, en dehors du champ de notre conscience. Nos protecteurs ne savent pas que nous avons grandi, que nous ne sommes plus un·e enfant dépendant·e et fragile, et que de nouvelles ressources sont aujourd’hui disponibles. Nos parts protectrices ne savent pas non plus que notre Soi est capable de prendre le leadership pour nous permettre d’exister sereinement dans le monde, prendre soin de nos parts blessées (Yin) et leur permettre de se redresser (Yang) !

Conséquences aujourd’hui

Les conséquences de la mise en place de ce système adaptatif de survie dérégulé sont nombreuses : nous sommes aux prises avec des émotions submergeantes/débordantes ou des pulsions incontrôlables, nous luttons contre elles, nous nous sentons nul·le·s ou sans valeur, … 

Nous vivons dans un bruit intérieur anxiogène, nous dressons des listes de « il faut », « je dois » qui nous poussent au burn-out (par l’action des managers), nous trouvons des façons de compenser ou de décompresser, de diminuer notre anxiété ou nos angoisses, mais nous tombons parfois dans des conduites addictives qui ruinent notre santé mentale et physique (par l’action des pompiers).

Nous connecter à notre Self, car ce sont la Présence et l’Amour qui guérissent

L’IFS est
« une des thérapies du trauma
les plus révolutionnaires
de ces dernières décennies »


Bessel Van Der Kolk

 L’IFS est un outil puissant qui permet de relier nos plus hautes qualités de cœur, d’âme, à notre système de survie. 

Comment ? En nous connectant en conscience à notre Self. Depuis cet espace du Self, nous pouvons réaliser deux choses primordiales :

Premièrement, nous placer dans l’espace du Self nous permet de rencontrer nos parts sans nous identifier à elles. L’identification à nos parts est ce que nous faisons la plupart du temps, sans nous en rendre compte. Par exemple, nous disons : je suis en colère, je suis submergé, je dois terminer ma to-do list ce soir (vraiment ?), je suis alcoolique, etc… 

Lorsque nous observons nos parties, nous nous désidentifions d’elles, nous nous désamalgamons, nous nous décollons et nous percevons que nous ne sommes pas ces parties puisque nous pouvons les observer depuis un espace bien plus vaste, l’espace chaleureux du Self…

Deuxièmement, en entrant en relation avec nos différentes parts et en prenant soin d’elles depuis cet espace chaleureux, bienveillant et sans jugement qu’est l’espace du Self, nous pouvons libérer les charges mentales, émotionnelles et traumatiques.

En effet, notre Self s’ancre dans des qualités inhérentes et présentes chez chacun·e : la compassion, le courage, la confiance, la clarté, la sagesse, la créativité, … Depuis cet espace de reliance à notre Self, cette Présence qui adopte une posture d’observatrice compatissante et parfois aussi plus active, nous pouvons écouter nos parts protectrices et nos parts blessées et leur apporter réparation. 

Nos parts sont ainsi entendues avec bienveillance et sans jugement, avec compassion. Nos parts ont de plus en plus confiance en notre Self et cela amène de la détente, une atmosphère sereine dans notre système intérieur ainsi que du soin, de la réparation, de la libération et de la guérison pour nos parts blessées. Car nos parts sont en quête d’amour qu’elles n’ont pas reçu au moment où elles en avaient besoin… et c’est l’amour qui guérit. 

Nous sommes alors capables de choisir d’autres voies, plus heureuses, plus harmonieuses, plus authentiques, plus en phase avec notre Moi profond, et nous pouvons choisir de manifester la vie à laquelle notre Être profond aspire.

Conclusion

L’IFS est une approche thérapeutique qui nous amène à entrer en relation avec la richesse de notre monde intérieur, afin de rencontrer, avec curiosité, respect et amour, nos nombreux aspects, tout en sortant d’une identification inconsciente à ces derniers. 

Le·la thérapeute n’est plus un·e résolveur de problème, mais il·elle devient un·e accoucheur·euse du Self du patient ou de la patiente. L’énergie du Self de l’accompagné·e et l’énergie du Self du ou de la thérapeute deviennent des facteurs de transformation… Jusqu’à ce que l’accompagné·e puisse de façon autonome se relier à son propre Self qui devient alors le leader de son système : son Self peut se lier d’amitié avec toutes ses parts qui lui font désormais pleinement confiance.

« Peut-être que tous les dragons de notre vie
sont des princesses qui attendent de nous voir agir,
juste une fois,
avec beauté et courage.

Peut-être que tout ce qui nous effraie est,
dans son essence la plus profonde,
quelque chose d’impuissant
qui veut notre amour. »


Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

Livres de référence :

« Pourquoi nous sommes essentiellement bons », Richard Schwartz

« Petit guide de la thérapie IFS », Richard Schwartz

J’accompagne les femmes à se souvenir de qui elles sont… à intégrer leurs psychotraumatismes afin de se déployer pleinement.

N’hésite pas à me contacter pour échanger à ce propos.